Palm Springs, Etats-Unis.
Entre palmiers et lacs, un coin paradisiaque, un cadre époustouflant, et dans toute cette verdure une université, j’ai l’honneur de nommer l’Académie Sanders, du nom de son illustre créateur.

Une ancienne bâtisse parfaitement conservée, taillée à l’effigie des dieux grecs et romains, des proportions déconcertantes et un aperçu de l’Olympe. Mais si l’établissement s’apparente à un style classique, il accueille chaque année des milliers de nouveaux étudiants, jeunes, habitués à la modernité, qui ne se seraient pas inscrits ici si on ne leur avait pas assuré que le campus était équipé de toute la technologie devenue indispensable à leur confort quotidien. D’ailleurs, l’informatique est devenue une nouvelle méthode d’enseignement, et c’est pourquoi, chaque jour, les étudiants sont tenus de faire une sorte de rédaction, retraçant leur journée, ou simplement leur état d’esprit. D’après les enseignants, cela permet aux jeunes gens d’améliorer leur orthographe et leur style littéraire, car ils estiment de nos jours, tout ce qui touche à une langue grammaticalement correcte se perd, et les jeunes ne connaissent plus que le langage sms, ils écrivent comme ils ne parlent et définissent l’orthographe d’un mot selon sa prononciation approximative. Alors, pour contrer cet effet destructeur, ils ont l’obligation de s’appliquer, chaque soir, à la pénible tâche d’écrire, de raconter tout e qui leur passe par la tête, et non seulement cette auto-évaluation compte pour la note trimestrielle, mais en plus un étudiant qui manque à sa tâche risque d’être renvoyé.

Malheureusement, on n’est jamais assez bien protégé. Et si l’anonymat protège en théorie les élèves de ce qu’ils écrivent, il n’en est pas moins que si quelqu’un récupérait les écrits, ils seraient tous embarrassés ; car parfois un nom est inutile, il suffit d’un mot, d’une allusion, d’une référence, pour reconnaître la personne, identifier la copie, en deviner le propriétaire.
Et c’est ce qui s’est passé. Un petit malin, sans doute plus malin que les autres en tous cas puisqu’il a réussi à pirater le système informatique de l’université, a récupéré toutes ces rédactions, tous ces secrets plus ou moins importants, des points de vue, des opinions, des on-dit et toutes ces choses qu’on n’ose dire mais qu’on écrit parce qu’on croit que personne ne sera jamais au courant. Regrettable erreur pour tous ces élèves confiants qui n’ont plus aucune prise sur tous leurs récits.
Désormais, de temps à autre, un article est publié anonymement. Anonymement ? Pas exactement. Il est signé « My Sweet diary ». Mais tout le monde sait que ce pseudo n’est rien d’autre que le mystérieux hacker qui a su voler tous les codes. Seul le véritable rédacteur reste anonyme. Mais pour combien de temps ? Les étudiants ne finiront-ils pas par deviner à qui appartient cette éloquente déclaration ? Cette confidence pathétique ? Ce secret effrayant ?

Priez, priez, car c’est bien la seule chose qu’il reste à faire. Personne n’est épargné. Si ce n’est pas cette fois, ce sera la suite, ou celle d’après. Mais tous vos secrets finiront par être dévoilés. Et vous ne pouvez rien faire pour l’empêcher, à part soupçonner, émettre des théories sur celui qui tire les ficelles, mais ce ne seront que des suppositions, car notre cher My Sweet Diary est bien trop malin pour se laisser prendre alors qu’il vient de montrer au grand public ce qu’il y a de plus noir, de plus risible ou de plus humiliant chez vous.